Alors que la Sécurité routière envisage de présenter à la fin du mois de janvier son bilan de la mesure des 80km/h après 6 mois de mise en œuvre, le Comité indépendant d’évaluation des 80km/h (CIE) publie aujourd’hui, vendredi 25 janvier 2019, les premiers éléments de ses travaux sur l’évolution de la mortalité routière depuis le 1er juillet 2017 et considère qu’un bilan scientifiquement fondé n’est pas envisageable à ce jour.
Le CIE a d’abord constaté que la baisse de la mortalité sur l’ensemble des routes françaises – observée depuis le second semestre 2017, c’est à-dire bien avant l’annonce de la mesure – s’est poursuivie après cette annonce en janvier 2018, alors que la vitesse était encore autorisée à 90km/h sur les routes secondaires.
La mortalité routière déjà largement orientée à la baisse avant l’entrée en vigueur des 80km/h
Jean-Luc Michaud, président du CIE, détaille les conclusions du Comité d’évaluation : "Nous avons constaté une baisse continue de la mortalité routière sur les 3 derniers semestres : -4,3% entre juillet et décembre 2017 par rapport au second semestre de 2016, -6,9% entre janvier et juin 2018, et-5,7% entre juillet et novembre 2018 (cf graphique ci-dessous). Les chiffres de décembre 2018 ne sont pas encore publiés, mais la baisse de -9,1% de la consommation des carburants routiers au mois de décembre 2018 (selon l’UFIP) laisserait supposer une baisse significative du trafic routier à cette période, qui pourrait s’accompagner d’une baisse de la mortalité routière, qui serait évidemment sans rapport avec les 80km/h…".
La mortalité routière était donc déjà largement orientée à la baisse une année avant l’entrée en vigueur – et donc bien avant l’annonce – des 80km/h. Comme le démontre le graphique ci-dessus, la mise en œuvre de cette nouvelle limitation n’a eu aucun impact sur la réduction du nombre de morts sur nos routes, que celles-ci soient ou non concernées par les 80km/h.
Le CIE relève en outre que la baisse du nombre de tués enregistrée aux mois de juillet et août 2018 coïncide avec la diminution de moitié du nombre des radars actifs en France, ce qui conduit à douter sérieusement de l’efficacité de leur multiplication, qui coûte cher à la fois au contribuable et à l’usager de la route.
Ces analyses ont été réalisées sur la base des baromètres mensuels de la Sécurité routière, les services du ministère de l’Intérieur refusant toujours de transmettre les éléments détaillés et objectifs demandés par le Comité depuis septembre 2018. Il s’avère que seule une connaissance précise de l’évolution et des circonstances des décès sur les routes secondaires, qui se conformerait à la démarche de transparence annoncée par le Président de la République et le ministre de l’Intérieur, permettrait au Comité indépendant comme d’ailleurs aux services de l’État de tirer des conclusions crédibles quant à l’efficacité de la mesure en cause.
La surprenante présentation des chiffres de la Sécurité routière
En outre, le CIE s’étonne de la présentation de certains chiffres par la Sécurité routière : pour le mois de novembre 2018, celle-ci a communiqué sur une baisse de -1,8% (-5 tués) de la mortalité routière en France. Or, ces chiffres ne concernent que la métropole : dans les outre-mer, c’est au contraire une hausse de +56,3% (+9 tués) qui est intervenue sur le même mois. Au total, c’est donc une augmentation globale de +1,4% (+4 tués) qui est à déplorer sur l’ensemble des routes de France en novembre.
Il apparaît donc à ce stade que les modestes baisses et hausses enregistrées depuis l’entrée en vigueur des 80km/h se situent dans le droit fil de l’évolution observée depuis une cinquantaine d’années en France comme dans la plupart des autres pays européens et apparaissent sans rapport avec la décision récente d’abaisser à 80km/h la limitation de vitesse sur les routes secondaires, que nos grands voisins tels que l’Allemagne (100km/h) et la Grande-Bretagne (97km/h), ne pratiquent ni l’un ni l’autre, tout en affichant une mortalité routière très inférieure à la nôtre.
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