Ce titre peut paraître bien intriguant dans un contexte où la baisse des limitations de vitesse est présentée comme LA solution ultime pour faire baisser l'accidentalité sur nos routes : 110 km/h sur l'autoroute, 90 km/h sur les autoroutes urbaines, 80 km/h sur le réseau secondaire, 50 km/h sur le périphérique parisien ou encore généralisation des zones 30 en ville… Pourtant, le lien entre baisse de la limitation de vitesse et baisse de l'accidentalité n'a jamais formellement été prouvé. Pendant que la France persiste dans ce modèle de sécurité routière dépassé, certains pays ont au contraire fait le choix d'augmenter la vitesse maximale autorisée pour faire diminuer le nombre d'accidents sur les routes.
L'expérience danoise : de 80 à 90 km/h
Le Danemark a bien compris que la vitesse n’est pas le seul facteur d’accidentalité : la Direction danoise de la Route a pensé que bien des vies pouvaient être sauvées en augmentant raisonnablement certaines limitations de vitesse. Le Danemark ne s’est donc pas contenté de considérer cette idée : il l’a mise en pratique.
La Direction danoise de la Route a mené une étude sur des portions de routes bidirectionnelles où la vitesse était auparavant limitée à 80 km/h et sur lesquelles nous serions le plus susceptibles d’être victimes d’un accident mortel. Pour l’expérimentation, la vitesse a été portée à 90 km/h et les premiers résultats ne se sont pas fait attendre.
Les automobilistes qui roulaient auparavant en-dessous des 80 km/h prescrits ont augmenté leur vitesse de circulation jusqu’à la nouvelle limitation établie, tandis que les 15 % d’automobilistes qui conduisaient le plus vite (à ou au-delà de 80 km/h) étaient moins tentés de dépasser la limitation de vitesse à 90 km/h et ont même réduit leur vitesse moyenne d’1 km/h, allant à l’encontre de l’idée reçue qui prétend qu’une limitation de vitesse plus élevée incite automatiquement les automobilistes à rouler comme des fous. Alors que les vitesses moyennes sont restées sensiblement les mêmes qu’avant l’expérimentation, les flux de circulation relevés sur les portions de routes concernées par l’étude sont désormais plus fluides et plus homogènes.
Le nombre de collisions sur ces portions de routes a diminué depuis la mise en place de l’expérimentation en 2011. " Lorsqu’il y a d’importants différentiels de vitesse entre les véhicules, la tentation est grande pour de nombreux automobilistes de doubler " commente Rene Julh Hollen, le porte-parole de la Direction danoise de la Route. " Donc, plus nous serons en mesure de rendre les vitesses homogènes sur les routes bidirectionnelles, plus ces routes deviendront sûres ". Même la police danoise qui voyait cette expérimentation du mauvais œil a fini par changer d'avis !
L'expérience danoise démontre que sur certaines portions de routes, il est plus cohérent de laisser le trafic progresser à un rythme naturel plutôt que de chercher à le restreindre. En supprimant le sentiment de frustration de l’expérience de conduite des automobilistes, on peut les amener à conduire de manière plus raisonnable. Cela se traduit par moins de manœuvres de dépassement, dans la mesure où, généralement, le flux du trafic est légèrement plus rapide et surtout plus régulier, et où la tentation pour certains automobilistes de doubler le véhicule les précédant est par conséquent moins grande.
La Suisse : 60 km/h en agglomération
En Suisse, la commune de Crassier a tenu à augmenter la vitesse maximale autorisée sur la route de Genève. En effet, sur cette portion rectiligne en campagne, un certain nombre d'automobilistes ne pensait plus circuler en agglomération et dépassait donc la limitation de vitesse en toute bonne foi, d'autant plus qu'aucun panneau de limitation de vitesse ne venait rappeler qu'ils circulaient encore dans une zone limitée à 50 km/h. Une véritable aubaine pour les radars situés le long de la portion !
Pour autant, les autorités communales ne se sont pas contentées des résultats d'accidentalité sur cet axe. Ainsi, elles ont obtenu une dérogation pour faire passer la limitation de vitesse sur la route de Genève à 60 km/h au lieu de 50 km/h, considérant qu' "un 60 km/h respecté est beaucoup plus sûr qu'un 50 km/h qu'on ne voit pas ou dont on se moque ".
Les mois à venir nous diront si l'augmentation des limitations de vitesse portera ses fruits, comme l'espèrent les autorités locales.
L'Angleterre : 97 km/h sur le réseau secondaire
Souvenez-vous : il y a quelques mois, il était question de généraliser la baisse de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire. Les partisans de la mesure prétendaient que cela permettrait de sauver 400 vies par an, selon un modèle mathématique dépassé datant de 1982 et établi en Suède.
Mais l'exemple de l'Angleterre suffit à remettre en cause cette croyance selon laquelle limitation de vitesse et accidentalité seraient liés. L'équipe de " 40 millions d'automobilistes " s'était rendue sur place pour étudier le modèle anglais et avait produit le film La fin de la guerre contre les automobilistes, diffusé à l'Assemblée nationale. En Angleterre, les Rural Roads - l'équivalent de notre réseau secondaire en France - sont limitées à 60 mhp, soit 97 km/h (7 km/h de plus qu'en France !). Pourtant, les résultats obtenus en matière de sécurité routière y sont bien meilleurs que chez nous, puisque l'Angleterre déplore 2 fois moins d'accidents mortels qu'en France.
Au cours de notre tournage, nous avons pu constater qu'il n'existait aucun débat pour abaisser cette limitation outre-Manche. Mieux encore, aucun des intervenants n'a paru comprendre le projet français d'abaissement des limitations de vitesse et tous sont apparus surpris, d'autant que la réglementation française permet déjà un abaissement ponctuel sur certaines portions de route.
L'Angleterre applique quant à elle un principe diamétralement opposé au modèle de Nilsson que les lobbies anti-vitesse nous rabâchent sans arrêt : le " 85ème centième ". En d'autres termes, il s'agit d'adapter la règlementation en fonction du comportement de 85 % des automobilistes, jugés raisonnables. C'est pourquoi l'Angleterre songe même à augmenter sa limitation de vitesse sur autoroute. En effet, les vitesses moyennes relevées sur autoroute y sont plus élevées que la limitation, d'où la nécessité d'ouvrir le débat.
D'autre part, l'enquête conduite par " 40 millions d'automobilistes " a décrypté un modèle anglais basé sur la tolérance des petits excès de vitesse et la nécessité d'un consensus entre l'État et les automobilistes.
En conclusion
Suite à la réunion du CISR le vendredi 2 octobre 2015, de nouvelles mesures de répression ont été annoncées par Manuel Valls. Si celui-ci n'a pas remis sur le tapis la généralisation du 80 km/h sur le réseau secondaire (actuellement en expérimentation), les lobbies anti-voitures continuent leur lutte acharnée pour faire passer la mesure. " 40 millions d'automobilistes " n'a pas tardé à réagir aux annonces du Premier ministre : le jour-même, l'association a lancé l'opération " Le grand ras-le-bol " (www.legrandraslebol.com), dans le but de stopper la dérive punitive du Gouvernement. Un autocollant à apposer sur le véhicule a également été créé pour l'opération. Pour le commander, rendez-vous sur http://40ma.clicboutic.com/fr/48-autocollant-trop-de-mesures-tue-la-voiture.html .
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Commentaires
en France on est habitué à nier les évidences, votre article ne fait que le confirmer, et dans les médias on voit plus souvent les anti-voitures débiter des contre-vérités, que les avis impartiaux de vrais spécialistes, sauf peut-être sur la 5 dans l'émission C à dire; au contraire quand le besoin s'en fait sentir le fisc sait bien ponctionner un € par-ci et un € par-là, et nous sommes bien obligés de "passer à la caisse" car à part les résidents des EHPAD, qui peut aujourd'hui se passer de véhicule ? notre qualificatif de vache à lait nous sied bien...hélas